Fieseler Fi 103 Reichenberg RE-3

Fieseler Fi 103 reichenberg RE-3

Depuis l’été 1943, le territoire allemand subit des bombardements de plus en plus dévastateurs. Bombardé sans relâche, de jour par les américains et de nuit par les britanniques, le Reich croule sous les bombes. Le 13 juin 1944, les NAZIS ouvrent l’ère des missiles avec le premier tir du V1 en direction de l’Angleterre suivi le 8 septembre 1944 par un tir de V2. On les surnommera les armes de représailles ou Vergetungswaffen
Reichenberg
En 1940, un pilote de planeur, l’Oberleutnant Karl-heinz Lange envisage la possibilité d’utiliser un planeur équipé d’une charge explosive pour atteindre une cible. Le pilote abandonnerait l’appareil au dernier moment quand celui-ci serait prêt à toucher l’objectif. L’idée fit son chemin et au début 1944, une unité spéciale fut créée au sein du KG 200, la 2. Staffel, connue aussi sous le sigle S.O. (Selbst Opfer, sacrifice de soi). L’effectif de ce Staffel était de 80 pilotes volontaires. Par la suite, la 5/KG 200 « Leonidas Staffel » fut créée, son commandement fut naturellement confié au Staffelkapitän Lange. Si l’idée théorique semblait plaisante, la réalisation du projet fut plus laborieuse. Les essais ne progressaient guère. Le problème des vibrations engendrées par le pulsoréacteur créaient de fortes vibrations sur la fragile structure des planeurs. Printemps 1944, le SS Hauptsturmführer Otto Skorzeny, très intéressé par le projet, assiste à Peenemünde au tir d’un V1. Vivement impressionné, il imagine une version pilotée de l’engin. En avril 1944, il rencontre Hannah Reitsch, aviatrice de renom, détentrice de nombreux records et pilote d’essai. A ce titre, elle possède de solides connaissances sur le pilotage des avions à réaction. Hannah Reitsch, très affectée par les bombardements sur l’Allemagne et en particulier par celui de Hambourg, conçoit une riposte à ces attaques apocalyptiques. Elle imagine un concept de représailles sur la base d’attaques qui pourraient détruire des centres vitaux ennemis comme des centrales électriques, réservoirs d’eau, sites industriels, etc. Le principe est simple. Un pilote ayant acquis lors d’une formation élémentaire la maîtrise du vol plané et de l’atterrissage sur objectif pouvait atteindre sa cible. Le pilote devait être quelqu’un de résolu, conscient du risque mortel de la mission, prêt à prendre des risques, mais doté d’un matériel garantissant la réussite de celle-ci. L’appareil devait offrir une bonne visibilité, être stable et maniable. Skorzeny et Reitsch aidés d’une équipe de techniciens ayant déjà travaillé sur le projet « Kirschkern » s’attellent au projet « Reichenberg ». Renforcé par une équipe de cinq mécaniciens, Skorzeny et les techniciens en aéronautique transforment le missile V I en un engin équipé d’un poste pilotage logé dans l’étroit fuselage.
L’engin subit les transformations suivantes :
• Suppression du loch et du pilote automatique
• Remplacement des boules d'air comprimé par un seul réservoir, plus petit
Allongement de 25 cm du tronçon de carlingue, derrière le réservoir de carburant
• Création d'un cockpit et aménagement d'un poste de pilotage réduit à un palonnier, deux pédales de commande du gouvernail et un siège en contreplaqué.
Adjonction de volets de profondeur sur les ailes et allongement du gouvernail de direction.
• Création d'un tableau de bord avec horloge, contact d'armement, compteur de vitesse, altimètre, horizon artificiel et compas.
• Mise en place de quelques éléments tels que batterie d'alimentation, rétroviseur, tube de Pitot et dispositif d'accrochage sous le bombardier porteur.
En moins de trois semaines, trois prototypes du modèle Fi 103 Re 1 sont prêts à voler. L’entraînement des pilotes s’effectuait par palier, les premiers vols se faisaient sur planeurs ordinaires afin d’acquérir la maîtrise du vol libre. Le programme d’entraînement se poursuivait sur des planeurs spéciaux équipés d’ailes raccourcies. Ces engins modifiés pouvaient atteindre des vitesses allant jusqu’à 300 km/h. Ensuite, les pilotes se familiarisaient au pilotage du Fi 103 R sur la version R - I monoplace et la version R-II à double commande. Les modèles d’instruction étaient équipés d’un ski ventral permettant un atterrissage par glissade. Celui-ci n’était pas de tout repos, l’absence de mécanisme d’atterrissage, un système de commande primaire, un ski rudimentaire et une vitesse élevée le rendait dangereux. Au vu des responsables du programme, cet état de fait n’était pas un handicap pour la validation opérationnelle, le FI 103R était conçu pour une utilisation unique. Les premiers essais commencèrent à Rechlin en fin août, début septembre, essais, hélas entachés par plusieurs accidents mortels. Le premier vol eut lieu en septembre 1944, le Reichenberg fut largué en vol par un avion porteur. Malheureusement, il s’écrasa au sol suite à la perte de contrôle, le pilote ayant accidentellement éjecté la verrière lors du vol d’essai. Le lendemain, le deuxième vol d’essai ne fut pas plus chanceux et se termina lui aussi de façon tragique. Les vols d’essais suivant furent confiés à Hannah Reitsch et à Heintz Kensche, leurs connaissances en tant que pilotes d’essais leurs permirent de maîtriser le vol du Fi-103 RE et de trouver des solutions aux problèmes spécifiques. Hannah Reitsch pilota un FI 103 largué d’un Dornier Do 217. Durant ces essais, elle aussi « cassa du bois » lors de deux atterrissages accidentels où elle s’en sortira vivante par miracle. Le 05 novembre 1944, Heintz Kensche connut aussi « des sueurs froides ». Lors du deuxième vol d’essai du R-III. Les fortes vibrations engendrées par les ailes raccourcies de cette version l’obligèrent à se parachuter. Il prouva par la même occasion qu’un pilote pouvait survivre à une éjection d’urgence. Il se tua lors d’un nouveau vol d’essai le 5 mars 1945, suite à la perte des deux ailes raccourcies du FI 103 R-III modifiée. Ces tests réussis, le ministère de l’aviation donna son feu vert pour la construction d’autres appareils. Les versions suivantes furent rapidement mises au point :
la version biplace école avec motorisation Fi 103 RE III
la version opérationnelle FI 103 RE IV.
Il existe quatre variantes de la version opérationnelle
• Schulversion ou version d'entraînement munie d'un ski pour le retour.
• Spitze Nase (Nez pointu) utilisable contre les sites terrestres
• Wasserlaüfer , armée d'une mine marine sous coiffe arrondi lui permettant de pénétrer dans l'eau pour frapper les navires sous la ligne de flottaison.
• Rammbug qui nous ramène à la notion plus large de Ramm Flugzeug ou avion-bélier destiné à endommager les gouvernes des bombardiers alliés.
Dans le cadre de l’opération « Selbst Opfer », Skorzeny n’eut aucune difficulté à trouver une centaine de pilotes motivés et volontaires. Les 2/3 provenaient de la Luftwaffe et 1/3 de l’unité commando de Skorzeny. Tous avaient conscience du caractère « presque » suicidaire de la mission. A l’instar des kamikazes japonais, le pilote d’un Fi 103 R avait une chance infime de survie. Le pourcentage donné est de 1%. La technique d’attaque était la suivante, transporté par un Heinkel 111 spécialement modifié, le FI 103 était largué à environ 2 000 mètres d’altitude. Disposant d’un rayon d’action de 300 km, le pilote devait emmener son FI-103 RE IV en vue de sa cible. A environ 1000 mètres de celle-ci, il abandonnait le pilotage de l’engin. Celui-ci plongeant vers l’objectif à une vitesse avoisinant les 800 km/h, le pilote devait ouvrir la verrière, se déharnacher, s’extraire du cockpit (opération des plus malaisées à cause de l’étroitesse de celui-ci), s’éjecter à la force des bras en essayant d’éviter la tuyère du pulso-réacteur. Le tout en moins de 5 secondes. Les chances de survie étaient quasiment nulles. La verrière avait la fâcheuse tendance à être aspirée par le pulso-réacteur et le bloquer, rendant la manœuvre encore plus dangereuse. Les pilotes volontaires remplissaient et signaient un manuscrit dont le texte était le suivant :
« Par la présente, j’atteste que je me suis enrôlé volontairement pour servir dans un groupe suicide comme pilote de bombes planantes. J’ai connaissance que mon emploi dans cette unité entraînera ma propre mort ». On ne pouvait pas être plus explicite. Certaines autorités allemandes étaient contre ce projet considérant que le suicide volontaire ne faisait pas partie de l’idéal du pilote allemand. Cependant, Albert Speer écrit le 28 juillet 1944 à Hitler pour lui dire qu’il est opposé au gaspillage des hommes et du matériel sur les Alliés en France et lui suggère qu’il serait plus judicieux de les utiliser contre les centrales électriques russes. A l’époque, il était envisagé d’utiliser les FI-103 contre la flotte d’invasion. En mars 1945, suite au décès accidentel de Kensche, Werner Baumbach, commandant du KG 200 envisage la fin du programme Reichenberg. Il contacte Albert Speer et tous deux rencontrent Hitler le 15 mars 1945. Lors de l’entrevue, ils lui demandent de mettre fin à ce programme en argumentant le fait que le suicide ne faisait pas partie de la tradition guerrière allemande. Hitler accepte et quelques jours plus tard, Baumbach dissout l’unité. Plus prosaïquement, Skorzeny ne réussit jamais à obtenir les 500 m3 de carburant nécessaires à son programme et 175 des 520 Reichenberg menés à différents stades de construction tombèrent intact aux mains des Alliés. Le commandement allemand se tourne vers le programme des avions « Mistel » qui semble plus prometteur en matière de destruction infligée à l’ennemi. L’aspect moral du programme allait plus dans le sens de l’étique allemande.Le projet « Reichenberg » ne connut aucun développement opérationnel et aucun FI-103 RE ne fut utilisé dans une opération de guerre.
Principe de lancement par Heinkel 111
Les Heinkel 111 transportant les V1 larguaient leurs V1 à environs 1 km de leurs cibles. Ces opérations devaient se faire de nuit afin d’échapper à la chasse adverse. La méthode utilisée pour l’opération était la suivante : le pilote allumait la bougie du V1 et portait au rouge la chambre de combustion du pulso-réacteur par admission et inflammation du mélange de démarrage. Ceci fait, il coupait le courant de la bougie et larguait le V1 dont le propulseur démarrait grâce à ce réchauffage préalable de la chambre de combustion. Il était nécessaire de freiner le Heinkel 111 aux moteurs, de manière à éviter les dangereux jets de gaz chauds s’échappant de la tuyère de l’engin au moment de la séparation.Un projet prévoyait aussi l’utilisation d’un Arado Ar.234c2 comme avion porteur. Avec le Reichenberg, la dernière adaptation du V1 était une utilisation en tant que réservoir de carburant externe qui pourrait être remorqué derrière un avion par une longue pipe, cette pipe agissant comme barre de remorquage et servant au transfert du carburant entre les deux appareils. Cette configuration fut évaluée avec un bombardier Ar-234 à réaction, mais ne dépassa pas le stade des essais préliminaires.
Reichenberg était le nom de la capitale du l’ancien territoire tchécoslovaque « Reichgau Sudeteland » actuellement Liberec.
Leonidas fait référence au glorieux roi sparte qui périt avec 300 hoplites au combat contre les Perses de Xerxès 1er supérieur en nombre lors de la bataille des Thermopyles en 480 avant J.C.
Hannah Reitsch et Otto Skorzeny survécurent tous deux à la guerre.
Le loch : Partie intégrante du cône de nez, il s'agit d'une hélice à faible pas et à deux pales qui fonctionne uniquement sous l'effet du déplacement d'air. Par l'intermédiaire d'une vis sans fin et d'un pignon hélicoïdal, elle fait tourner un axe agissant sur deux contacts. Pour chaque centaine de mètres parcourue, deux impulsions électriques sont ainsi envoyées vers un compteur.
Le R-I et R-II étaient des planeurs d’entraînement sans moteur tracté par des planeurs.
Le R-I était un planeur d’entraînement monoplace.
Le R-II était un planeur d’entraînement biplace sans moteur.
Le R-III était un planeur d’entraînement biplace équipé d’un pulsoréacteur.
Le R-IV était la version opérationnelle de l’arme.


Caractéristiques du FI 103A-1/Re III version biplace d’entraînement
Longueur : 8,60 m Longueur du fuselage : 7,40 m Longueur de la tuyère : 3,66 m Envergure : 5,72 m
Hauteur : 1,490 m Corde d’aile : 1,298 m

Sources :
Les sites V1 en Flandres et en Artois de Laurent Bailleul
Mission sans retour de Myrone N.Cuich
Armes secrètes et ouvrages mystérieux de Dunkerque à Cherbourg Les VI et V2 de Myrone N.Cuich
Constructions spéciales de Roland Hautefeuille
Die geheimen wunder-waffen des III. Reiches 1939/45 J. Miranda und P. Mercado Dörfler zeiteschichte
Recherches sur divers sites Internet
www.fortlitroz.ch
http://v1armedudesespoir.free.fr/index.htm
Documentation personnelle