Panzerkleineszertörer "Rutscher" E-5

 Panzerkleineszertörer "Rutscher" E-5

Mi-juillet 1943, l’Allemagne est à un tournant de la guerre. La bataille de Koursk se termine par un échec. Après Stalingrad et la perte de la totalité de la 6e Armée, c’est la deuxième fois en moins de six mois que la Wehrmacht essuie une magistrale défaite.  A Koursk, malgré son haut niveau technologique, la nouvelle génération de chars dont le Panther n’a pu venir à bout de l’Armée rouge. L’initiative stratégique est définitivement perdue et pour le soldat allemand commence une longue période de combats défensifs qui dureront, sauf à quelques occasions près, jusqu’à la fin du conflit. Sur le front russe, les milliers de T-34, IS et autres blindés , malgré des pertes sévères, dominent le champ de bataille. La qualité n’assure pas la suprématie face au nombre. Un chasseur de chars peu onéreux et produit en grande quantité pourrait changer la donne.

 Fin 1943, la section de développement des véhicules blindés du Heereswaffenamt (Waffenprüfamt 6)  demande à deux firmes BMW et Weserhütte de développer un petit chasseur de chars dont le projet devrait être finalisé en peu de temps et dont la fabrication massive serait adaptée à la situation économique déclinante du IIIe Reich. Fin février 1944, l’arrivée d’un nouveau chasseur de chars produit par BMM et Skoda, le Panzerjäger 38(t) armé d’un canon de 7,5 cm L/48 met fin au projet. Produit à 2 047 exemplaires, il équipe les PanzerJäger-Ateilungen. Cependant, dans la défense antichar, les divisions d’infanterie ne peuvent compter que sur des canons antichars dont la mise en batterie est assez laborieuse. Le fantassin ne dispose, lui, pour le combat rapproché que du Panzerfaust et du Panzerschreck dont les portées maximales atteignent respectivement 80 et 200 mètres. Il existe donc un vide dans la panoplie des engins antichars. En janvier 1945, la situation du IIIe Reich est devenue catastrophique. L’idée d’un Panzerkleineszertörer baptisé Rutscher  (littéralement « glisseur ») refait surface et c’est à l’Entwicklungskommission que revient la tâche de superviser sa réalisation. Le projet voit le jour le 23 janvier 1945 à l'initiative du général Wolfgang Thomale, et est semble-t-il rattaché à la E-Serie. Entre l’étude préliminaire et sa conception définitive , les délais les plus brefs sont requis. Sa construction doit nécessiter le moins possible de matières premières ce dont l’industrie allemande manque cruellement. 

Le cahier des charges est assez restreint: légèreté, rusticité, furtivité, facilité d’emploi et utilisation maximum de composants existants. L’engin doit être servi par un équipage de deux hommes, la charge de travail étant trop importante pour un seul. Le blindage peu épais, 20 mm à l’avant et 14,5 mm sur les cotés doit résister à la ferraille du champ de bataille. La hauteur maximale ne doit pas dépasser 1,5 m afin de lui assurer un maximum de discrétion sur le terrain. Cette contrainte engendre une faible garde au sol qui s’élève à 35 centimètres. L’engin doit pouvoir se désengager rapidement d’une embuscade , sa motorisation est assurée par un moteur 6 cylindres de 3,5 litres de cylindrée développant 90 chevaux , produit par BMW. Son poids maximum ne doit pas dépasser 5 tonnes. L’idéal serait un poids de 3,5 tonnes qui limiterait l’emploi de matériaux stratégiques. L’armement retenu est le canon 8cm Panzerabwehrwerfer 600 (PAW 600). 2 pièces seront installées en parallèle et une mitrailleuse MG-34 de 7,92 mm assurera la défense rapprochée.

Le PAW 600 est un canon à âme lisse développé en janvier 1945 par la firme Wolf-Magdeburg. Il utilise le principe des basses et hautes pressions. La munition utilisée est un obus stabilisé par un empennage à ailettes sur son axe. Sa vitesse est de 520 mètres/seconde. L’origine de cette munition pourrait être  une modification de l’obus de mortier du 8cm Granatwerfer 34 (8cm GrW 34). Cette arme est légère. Elle a peu de recul et est facile à produire. De plus, son coût est inférieur à celui d’un canon classique et sa fabrication ne nécessite que peu de matière première. La munition utilise le principe de la charge creuse. Elle est capable de transpercer environ 150 mm de blindage. Son holladungsgranate à charge creuse de 81,4 mm apparaît plus performante à 500 mètres que la panzergranate 39/42 du Panther, sa portée est néanmoins limitée à moins de 1 000 mètres. La cuirasse des T-34 et autres JS peut être transpercée par le tir simultané de deux projectiles.Si la portée théorique est de 1500 mètres, le portée pratique  tombe à 750 mètres. Le petit "Rutscher" a bien besoin de sa furtivité et de sa vélocité pour se désengager lors d’une embuscade et échapper aux obus de 122 mm d’ un IS qui n’auront aucune difficulté à pulvériser ce petit chasseur de chars.

Le Waffenprüfamt 6 en confie le développement à plusieurs firmes. Une vingtaine de propositions différentes sont présentées et sont soumises à étude. Wesehütte , déjà dans la course depuis fin 1943, propose un engin de 3,5 tonnes nécessitant des composants spécifiques. Büssing propose un engin plus classique qui utilise des composants mécaniques déjà disponibles, mais dont le poids dépasse les 5 tonnes. Pour atteindre la vitesse imposée par le cahier des charges, il sera nécessaire d’équiper l’engin d’une suspension à barres de torsion. La vingtaine de propositions donnent à l’Entwicklungskommission un choix d’étude ouvrant la voie à plusieurs solutions en vue de l’engin le plus adapté. Le choix de la transmission n’étant pas encore défini, la firme Zahnradfabrik Friedrichshafen qui travaille sur le projet propose deux solutions : la boîte à vitesse à 5 rapports FAK-45 ou une boîte semi-automatique, les deux étant compatibles au moteur Diesel Saurer développant 150 cv.

 Cependant, moult problèmes apparaissent dues aux normes imposées par le cahier des charges et de la situation industrielle du Reich chancelant. De nombreux projets proposent un engin dont le poids varie entre 7 et 9 tonnes alors que la masse maximale requise varie entre 3,5 tonnes et 5 tonnes maximum. La faible portée pratique du 8cm Panzerabwehrwerfer 600 (PAW 600) est un handicap face à la puissance de feu des IS. Pour les firmes engagées dans le projet, la norme de 3,5 tonnes demande une étude de nouveaux éléments (suspensions, moteurs, etc.) avec une production en série envisageable dans un délai de 12 à 18 mois. Seul un blindé dont le poids serait compris entre 7 et 10 tonnes serait rapidement disponible.

L’industrie allemande, en ce début de 1945, ne peut matériellement donner une suite réaliste à ce nouveau projet qui est abandonné en avril 1945. Heinz Guderian, lui même, s'inquiète du délai de finalisation de ce Rutscher estimé à un an ou deux. Le rutscher  est pour l’’Entwicklungskommission un projet peu adapté à l’élaboration des blindés de la série E dont le but était la rationalisation de la production de la nouvelle génération d’engins de combat.  L'existence d'un projet de véhicules de 5 tonnes au sein des Entwicklungstypen ne fait pas consensus. Il est vrai qu'un rapport de l'US Ordnance Technical Intelligence de 1945, basé sur les déclarations d'un ingénieur travaillant sur E-100 et Grille 17 ne cite que les engins de la classe E-10 à E-100. A la fin du conflit, Weserhütte finalise un châssis pour un blindé pesant 3,5 tonnes et Daimler-Benz, un châssis pour un engin de 7,5 tonnes. L’engin final restera au stade d’une maquette en bois.

Dans l’esprit national socialiste de guerre totale préconisé par Goebbels qui envisageait par ailleurs de faire piloter des jets He 162 par des Jeunesses Hitlériennes, ce « petit destructeur blindé » à forte puissance de feu devait pouvoir être utilisé par n'importe quel landser, après une formation sommaire. Il s'apparente ainsi aux concepts de « chasseur du peuple » et « chasseur d'urgence » demandé par le RLM, ainsi qu'au léger B IV Wanze déployé lors de la bataille de Berlin. Son blindage extrêmement léger n'est compensé que par sa furtivité : il aurait été l’un des blindés chenillés les plus rapides des années 1940, et sa faible hauteur demeure inégalée.

La classe E-5 (5-10 tonnes) regroupait une série de véhicules tout-terrain légers issus des études menées par Bussing, Daimler Benz, Steyr et Weserhütte. 

On y trouvait les projets de :

  • char lance-flammes avec un équipage de deux hommes.
  • véhicule léger de reconnaissance.
  • un chasseur de char armé d’un double canon PAW 600 ou d’un canon Pak 7,5 KwK L/48.
  • transport de personnels.
  • véhicule léger télécommandé par radio (sans fil).

 

Caractéristiques

Désignation : Panzerkleineszertörer Rutscher

Catégorie : Panzerjäger

Constructeurs : BMW et Weserhütte 

Constructeurs annexes : Bussing, Daimler Benz, Steyr

Exemplaires produits : 0

Equipage : 2

Poids : 3,5 tonnes

Longueur : 4,85 m

Largeur : 1,85 m

Hauteur : 1,36 m

Protection

Blindage caisse

Frontal : 20 mm

Latéral : 14,5mm

Arrière : 8mm

Blindage superstructure

Frontal : 20 mm

Latéral : 14,5mm

Arrière : 8mm

Blindage masque du canon : 10 mm

Mobilité

Vitesse maximale

Sur route : 70 km/h

Tout terrain : UI km/h

Autonomie

Sur route : UI

Tout terrain : UI

Pente : UI

Obstacle vertical : UI

Tranchée : UI

Gué : UI

Armement

Principal : Deux canons jumelés 8cm Panzerabwehrwerfer 600 (PAW 600)

Munitions : ui

Secondaire : MG-34 de 7,92 mm

Munitions : ui

Motorisation

Moteur : 6 cylindres BMW ou Diesel Saurer

Cylindrée : 3,5 litres

Puissance : 90 CV ou 150 CV

Radio : UI

 

 

 

Sources : 

TnT Trucks&Tanks Magazine n° 40 novembre/décembre 2013

https://fr.wikipedia.org/wiki/Entwicklungsserie