VK 4502 (P) Vorne

 

Le VK4502 (P) fut le grand perdant dans la compétition opposant Porsche à Henschel.
En 1938, les Allemands lancent l’étude d’un char de 30 tonnes, désigné VK 3001. L’armée française, pourtant pourvue de chars plus puissants et à quantité égale sinon supérieur à ceux de la Wehrmacht, est écrasée en six semaines de combat. Cette facile victoire met un frein au développement des chars lourds. L’analyse des enseignements tirés de la Blitzkrieg oriente la réorganisation de la Panzerwaffe vers une dotation renforcée en chars moyens type Panzer III. Ces chars remplaceront les chars légers 38(t), Panzer I équipé de 2 mitrailleuses et Panzer II armé d’un canon de 20mm. Ces chars, plus vulnérables, ont essuyé des pertes importantes lors des combats de Pologne et de France. Fin mai 1940, la Panzerwaffe accuse déjà la perte de de 516 chars. L’effort de fabrication se porte vers le char moyen Panzer III équipé d’un canon de 50mm.
22 juin 1941, les trois coups du déclenchement de Barbarossa ont sonné. L’armée allemande s’enfonce avec facilité dans l’immense territoire de la Russie. Pourtant la Panzerwaffe est à peine supérieure en nombre qu’en mai 1940. Les matériels sont un peu plus puissants mais brusquement, c’est la stupeur dans les rangs allemands. Une surprise de taille vient contrarier l’OKW. Les russes possèdent deux chars remarquables qui ont échappé au service de renseignement de l’Abwehr. Il s’agit du T-34 et du KV, tous deux équipés d’un canon de 76mm. De plus, ils sont plus rapides et mieux protégés que les chars allemands. Les Pak 35mm et 50mm sont impuissants à percer le blindage et seul l’utilisation du 88mm stoppe les deux chars.
Pour les Allemands, cette découverte est un choc. De plus, cette campagne devait être courte, l’arrivée de l’automne  ralentie l’avance des troupes et transforme la progression en un conflit long et couteux en hommes et en matériels. Décembre 1941, la Wehrmacht marque le pas devant Moscou alors que les clochers du Kremlin sont visibles dans les binoculaires des avant-gardes. Devant le général « hiver » il faut retraiter. Hitler est fou de rage, comment des « untermenchens » ont-ils pu  concevoir des chars supérieurs techniquement à ceux de la « race des Seigneurs ». Il ordonne la reprise immédiate du projet de chars lourds fortement blindés et dont l’armement sera supérieur à celui des blindés russes.

Henschel et Porsche se lancent dans la compétition. Fini le char de 30 tonnes, fini le calibre de 75 mm, on fait dans le « lourd ». On se dirige vers un blindé de 50 tonnes équipé d’un canon de 88 mm, le Tigre I. Pourtant, si le Tigre I est largement supérieur à tous les chars alliés, sa conception, en 1942, est déjà obsolète. Son blindage vertical est déjà trop faible face à l’évolution des armes ennemies. Il faut concevoir un char à blindage incliné. Le Panther  entre en lice avec le succès que l’on lui connaît. Il est le remplaçant du Panzer IV. En aout 1942, le Waffenamt demande l’étude d’une version plus moderne du Tigre I. Le nouveau char devra être équipé  lui aussi d’un blindage incliné.
Porsche et Henschel furent une fois de plus mis en concurrence sur ce projet. Porsche, encore sur le coup de son échec sur le projet VK4501, avait réfléchi à un nouveau modèle de char en tenant compte de l’évolution du conflit. Le blindage de son projet devait tenir compte de l’augmentation du calibre de son armement principal, des performances antichars de la munition et de l’augmentation de la portée. Il fallait doter le char d’un canon dont les performances le mettaient hors de portée de l’armement de ses adversaires. Pour son nouveau projet, Porsche n’élabore rien de moins que 4 types de motorisations, deux types de conduite (hydraulique et électrique) et deux configurations différentes.Porsche proposa deux versions de son prototype VK 4502(P), l'une avec une tourelle avant comme sur le Tiger (P), dite Type 180, l'autre avec une tourelle arrière dite  Type 181. La tourelle fut mise au point par Wegmann. Les deux versions conservaient la transmission électrique mise au point par Porsche. Très confiant en lui et en son succès, Porsche entreprit tout de suite la construction d'un lot de 50 tourelles. Ce n'était guère prudent tant aux vue des dures réalités de la guerre qu’aux difficultés en approvisionnement de matières premières. En effet, l'Allemagne à cette époque était déjà coupée de tout et les pénuries en matériaux stratégiques étaient récurentes. Le cuivre nécessaire à tout équipement électrique n'échappa pas à cette réalité, rendant impossible la production en masse du modèle de Porsche.

Le VK 4502 (P) était donc plusieurs véhicules dans un. Sous la nomenclature Typ 180, le véhicule initial est développé en une série de cinq véhicules différents :

VK 4502 (P)

Modèle:

Typ 180A

Typ 180B

Typ 181A

Typ 181B

Typ 181C

Armement :

Un canon 8.8cm L/71 + une (ou deux) MG42

Un canon 8.8cm L/71 + une (ou deux) MG42

Un canon 8.8cm L/71 + une (ou deux) MG42

Un canon 8.8cm L/71 + une (ou deux) MG42

Un canon 8.8cm L/71 + une (ou deux) MG42

Poids :

57 tonnes

57 tonnes

57 tonnes

57 tonnes

57 tonnes

Longueur :
canon inclus
caisse


10.71 mètres
9.05 mètres


10.71 mètres
9.05 mètres


10.71 mètres 9.05 mètres


10.71 mètres 9.05 mètres


10.71 mètres 9.05 mètres

Largeur :

3.32 mètres

3.32 mètres

3.32 mètres

3.32 mètres

3.32 mètres

Hauteur :

2.95 mètres

2.95 mètres

2.95 mètres

2.95 mètres

2.95 mètres

Moteur :

Deux moteurs Porsche Typ 101/3

Deux moteurs Porsche Typ 101/4

Deux moteurs Porsche Typ 101/4

Deux moteurs Porsche Deutz Typ 180/1

Deux moteurs Porsche Deutz Typ 180/2

transmissions

Conduite électrique

Conduite électrique

Hydraulique Voith II

Hydraulique Voith II

Hydraulique Voith II

Henschel proposa quant à lui, une version plus « allemande » avec une tourelle centrale, le VK 4503(H). Cette version ressemblait fort à part la tourelle à une version agrandie du nouveau développement du Panther, le Panther II. La caisse du VK 4503(H) avait en effet la forme de celle d'un Panther et comme le Panther, iI était doté des nouveaux galets tout acier. La tourelle qui fut mise au point par Krupp était plus anguleuse qu'arrondie contrairement à celle de Porsche, ce qui était préférable pour le production de masse. Ce fut donc le modèle d'Henschel qui fut choisi pour la production en série sous la désignation complète de Panzerkampfwagen VI Ausf.B (Sd.Kfz.182) ou Tiger II.

Le 21 juin 1941, le docteur Porsche, ayant informé le Wa Preuf 6 de l’impossibilité d’installer le canon antiaérien 41 de 8.8cm, commence le développement de la tourelle du  VK 4502 (P). Début mai 1942, Krupp, de son côté, a finalisé  sa tourelle mais se heurte à des  difficultés pour réaliser l’arrondi du front avant de celle-ci. Le front arrondi de tourelle a été développé pour réduire la cible frontale et aurait eu l’avantage d’éviter  le piège à obus de la production initiale du Tigre II d’Henschel . Un obus ricochant  vers le bas sur le masque de tourelle pouvait perforer le blindage du haut de caisse et exploser au niveau du poste de conduite. Malheureusement pour le docteur Porsche, malgré sa fascination, son projet novateur de moteur équipant le VK4502 (P) fut  un échec total. Les moteurs 10 cylindres, ayant échoué pendant des essais, entrainaient  une perte de confiance dans la conception de ce type de motorisation.  Cette même disposition de transmissions fut déjà à l’origine des précédents échecs de Porsche. En novembre 1942, tous les contrats touchant au VK 4502 (P) furent annulés. En fait, le travail de recherche continua jusqu'à mi 1944. À ce moment-là le véhicule était équipé d’une conduite hydraulique, une nouvelle suspension, une motorisation diesel développant  900 CV et refroidi par air avec un armement plus lourd. L'échéancier de livraison stipulait "loin dans l'avenir." En fin de compte les 50 tourelles déjà réalisées ont été reconverties pour équiper le Tigre Henschel II.
Le travail de concept initial pour le nouveau Panzer commence le 23 mars 1942. Initialement, on a proposé que les châssis conçus pour le VK4502 pourraient être adapté au VK4501 avec très peu de modifications. Les modifications à prévoir étaient l’adaptation d’une nouvelle tourelle ainsi que l’arrimage des munitions dans celle-ci. Avec l’évolution du conflit, des changements significatifs sont intervenus sur le champ de bataille. L’augmentation des performances des armes antichars entraine de facto une augmentation de l’épaisseur du  blindage. Ce n’est que début juillet 1942 que la conception de la caisse est finalisée. Pour accroitre la protection de la caisse, le choix se porte sur l’utilisation de plaques de blindage inclinée.
- La plaque du glacis avant, épaisse de  80mm, a été inclinée à 55 degrés
- les plaques de superstructure de 80mm à 15 degrés
La motorisation consiste en deux moteurs Porsche type 101/3 de 10 cylindres, connectés aux générateurs électriques fournissant la puissance à 2 moteurs électriques, actionnant chacun une chenille. Le train de roulement et les chenilles pour le VK4502 étaient identiques à la gamme des chars VK4501. Estimant à 45 tonnes le poids du nouveau char, sa vitesse maximum devait atteindre les 35 km/h. La tourelle du char VK4502 a été elle aussi conçue par le professeur  Porsche. Elle accueillait  le canon de 8.8cm KWK. L/71. L’emport en munitions pour ce canon était de 68 coups complets Ils étaient répartis de la façon suivante dans le char
- 42 dans des paniers horizontaux situés le long des côtés de la caisse
- 10 horizontalement dans des casiers situés dans le plancher
- 16 stockés horizontalement dans la tourelle.

Le 4 février 1942, Fried.Kruppe AG Essen obtint un contrat de fabrication d’éléments de blindage pour équiper 100 caisses de VK4502 et 100 tourelles. Les plaques de blindage devaient être livrées à Nibelungwerk GmbH, st. Valentin responsable de l’assemblage des caisses et à Fried.Kruppe AG Ruhr pour l’assemblage des tourelles. 
Le 17 avril 1942, une extension verbale du contrat voyait le nombre de coques de chars commandées accrue à 200 unités avec les numéros de châssis de 150101 - 150300. Aussitôt que l’assemblage des 100 caisses du VK4501 actuellement en cours de fabrication serait achevé. Krupp devait commencer la production du complément d’éléments de blindage.
En mai 1942, pendant une visite aux usines Krupp, on informa le docteur Porsche que les quatre premières coques seraient prêtes en octobre au lieu d'août 1942. A cette période, dans le but d’augmenter les capacités de modification des coques et des composants intérieurs, Krupp a ordonné d'achever seulement  30 Coques Type 180 et seulement préparer des plaques pour le reste.
En juillet 1942, Krupp est entré en contact avec le Nibelungenwerk  confirmant la livraison des 30 premières coques comme prévu et que le matériel pour les 50 coques avait déjà été préparé et dans la plupart des parties étirées. Krupp a évalué une livraison de 15 coques par mois au Nibelungwerk.
Le projet prend toutefois un sérieux recul ce même mois quand le moteur 101/3 conçu par Porsche ne résiste pas aux essais. Ceci amène Wa Pruef 6 le 3 novembre 1942 à informer Krupp que le contrat pour les tourelles et châssis du VK4502 est terminé et que seulement le contrat pour trois Versuchs-panzers sera placé. Un rapport de Krupp daté du 15 janvier 1943 indique que 20 corps de tourelle pour le VK4502 avaient déjà été fabriqués et que 40 à 50 autres étaient en cours lors de l’annulation avec une cinquantaine de plaques supplémentaires prêtes pour l’assemblage. Le 25 janvier, Krupp reçoit la permission de rassembler 3 tourelles pour le VK 4502. Un rapport supplémentaire envoyé cette fois-ci le 28 janvier par Krupp mentionne que 3 coques ont été livrés au Nibelungwerk, ceci confirmé par le Dr. Porsche le 17 février disant que 3 Tigre P2 VK4502 ont été complétés. La lettre disait aussi que les véhicules de production présenteraient des nouveaux systèmes hydrauliques, nouveau systèmes de suspension et un moteur diesel refroidi à air.
Nous n’entendons plus parler du sort du VK4502 avant le 25 avril 1944 quand Krupp rapporte qu’une des tourelles du char est prête et que deux autres sont près d’être complétées. Alors, le 22 août 1944, à la demande de WA Pruef 6, les tourelles restantes sont converties pour être utilser sur le châssis Henschel. Malheureusement, la documentation sur le VK4502 complété à Nibelungwerk n’a pas survécu à la guerre et aucune photo connue n’a fait surface à ce jour. 
Au printemps 1945, l’Allemagne est devenu un champ de bataille. Au terrain d’essais de la Wehrmacht à Kummersdorf , les départements en charge des tests commencent à évacuer du matériel important et brûlent ce qui reste.  Au début de mars 1945, le Kummersdorf Panzer Battalion  est formé à partir des éléments de la Technischen Versuchs Kompanie qui comprends une compagnie de Tigre. Le quartier général du Fuhrer en est informé le 31mars 1945. Cette compagnie a un  peloton de reconnaissance non mobile. Les véhicules pris sur ce peloton sont gardés pour des tests. Il y a un char Tigre II, un Jagdtiger, 4 Panther, deux Panzer N, un Panzer III, un Hummel, un Nashorn, deux Sherman et un Porsche Tigre 8.8cm L/70 immobile. Selon un message telex du 4 avril 1945, une partie de cette compagnie sera transférée dans la région de Dresde. Les éléments non mobile de la compagnie Kummersdorf, dont le char Tigre Porsche, auraient participé à des combats vers la fin avril au sud est des terrains d’essais.
Il est clair selon le texte plus haut que le Technischen Versuchs Kompanie a abandonné derrière eux le char Tigre Porsche ( immobile ) Malheureusement, aucune photo connue ne peut confirmer qu’il s’agit bien du VK4502 (P).