FCM 2C
- Détails
- Catégorie : Chars lourds France
FCM 2C
Les premiers blindés qui apparaissent sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale ne répondent qu’imparfaitement aux besoins de l’Armée Française. A l’instar du Saint-Chamond, ces véhicules n’affichent que de médiocres performances, notamment de franchissement. Le général Estienne, fervent partisan du « fantassin blindé » armé de mitrailleuses ou de canon de 37 mm et privilégiant la mobilité, souhaite donc développer un char dit de « rupture », désigné FCM 2C, capable de venir à bout des ponts fortifiés ennemis et s’affranchir sans peine des obstacles mis sur sa route.
Genèse
La mise au point du char FCM 2C est indissociable de l’expérience et des idées du général Estienne surnommé, à juste titre le « père des blindés ». L’engin repose sur une architecture particulièrement novatrice. L’installation en casemate des pièces d’artillerie est avantageusement remplacée par une tourelle abritant l’armement principal. Assez complexe à mettre au point, cette disposition privilégie la réactivité au combat. Désormais, aucun secteur du front n’est à l’abri. Le 20 octobre 1916, le programme de char lourds est transmis au FCM. Une première étude est alors présentée au Conseil Consultatif de l’Artillerie d’Assaut le 30 décembre. Le prototype fait ses premiers tours de chenilles le 10 décembre 1917.La conception de ce char de rupture est en avance sur son temps, avec une caisse découpée en trois parties. A l’arrière, les ingénieurs ont positionné la motorisation et la transmission. Au milieu/avant, se trouve le compartiment de combat surplombé par la tourelle. Enfin, le poste de conduite est positionné sur l’avant. Le 21 février 1918, Clémenceau préconise que 1 000 chars lourds et moyens soient livrés à l’Armée française avant le premier mars 1919. Dans l’état, pour l’industrie française, qui peine à assembler le moindre FCM 2C, il s’agit là d’une mission impossible à tenir dans des délais raisonnables. La mise au point laborieuse de l’engin s’ajoute aux difficultés d’ordre industriel qui elles-mêmes se conjuguent aux tergiversations politiques sur le nombre ou le modèle de chars destinés à équiper l’Armée Française. La fin de la guerre met un terme à ces tergiversations et seulement une dizaine d’exemplaires sont assemblés en 1919. Ils sont réceptionnés dans le courant des années 1922 et 1923, puis expédiés au camp de Châlons où ils sont expérimentés par la Commission d’études pratiques des chars de combat (CEPCC) et par le 551e régiment de chars lourds. A cette époque, il est équipé de deux moteurs Chenu de 210 ch remplaçant les quatre moteurs de 110 cv initialement prévus. En 1923, ce sont deux moteurs Mercedes de 6 cylindres qui sont mis en place.
Entre 1926 et 1931, de nouvelles études concernant un renforcement du blindage et de l’armement sont menées. Les moteurs vieillissants sont remplacés progressivement par les Maybach 6 cylindres de 250cv (total 16 950 cm3). L’utilisation de moteurs allemands de prise se révèlera une fausse économie : réalisé en acier de mauvaise qualité du fait du blocus allié, ces moteurs seront d’une fiabilité douteuse.
L’équipage est composé de 12 hommes répartis comme suit : chef de char, pilote, mécanicien, aide mécanicien, électricien ; canonnier tireur, canonnier-chargeur, mitrailleur avant, mitrailleur latéral droit, mitrailleur latéral gauche, mitrailleur tourelle arrière, radio-télégraphe.
En 1932, le 2C est équipé d’un compas de direction Vion et d’un poste TSF E20C avec un aménagement de la cabine radio.
En 1934, le commandement renonce à utiliser le char 2C comme matériel de campagne et prévoit son emploi comme réserve mobile de feux antichars dans les zones fortifiées.
Armement et motorisation
Le FCM2C est équipé d’une tourelle triplace dotée d’une capacité de rotation de 320°. Afin de tenir à distance l’infanterie allemande, le 2C est muni de quatre mitrailleuses de 8mm. L’une de ces armes automatiques est positionnée frontalement, à travers le glacis. Deux autres prennent place latéralement, à l’avant de l’engin. Enfin, la dernière intègre la petite tourelle arrière, munie d’un débattement de 260°, l’angle mort se situant alors vers l’avant. Son canon de 75 mm APX1897 à tube raccourci fabriqué par les ateliers de Puteaux est capable de toucher une cible jusqu’à 2 000 mètres. Tout comme la suspension et la transmission pétroléo-électrique, les moteurs Maybach, initialement destinés aux Zeppelins, sont soumis à rude épreuve par les 68 tonnes du 2C dont le taux d’indisponibilité atteint les 60%. Cette fragilité imposant un déplacement par voie ferrée, le char est, en l’absence de wagons surbaissés, lui-même transformé en « wagon » grâce à l’adjonction de deux bogies à ses extrémités. Inadapté à la guerre de mouvement, les FCM2C sont sabordés par leurs équipages après un blocage de leur convoi ferroviaire.
L’entre-deux-guerre
Durant l’entre-deux guerre, la carrière opérationnelle du FCM 2C se résume à quelques démonstrations assez spectaculaires pendant lesquelles ses performances de franchissement et de destruction de construction en dur sont mise en exergue.
Le 2C en unités
A leur entrée en service, les 2C comptent d’abord au Groupement Lourd III à Châteaudun, unité qui devient courant 1922 le bataillon lourd 3 puis le 1er mars 1923, le III/551e RCC créé au camp de Châlons. C’est là qu’ils reçoivent les numéros de 1à10. Le 551e est dissout le 25 février 1929 et les chars, sous les mêmes numéros, constituent dès lors le 51eBCL formant corps. En mai 1929, le 51e BCL est transféré à Bourges où ils adoptent leur nouvelle numérotation, de 90 à 99.
En avril 1935, nouveau changement de garnison, direction Verdun dans le quartier Treuille de Beaulieu.
Les 511e RCC changent radicalement de structure par adjonction d’un bataillon de R35. Les 2C sont affectés à la 7e Cie et les R35 aux 1re, 2eet 3e compagnie.
La Seconde Guerre Mondiale
En septembre 1939, lorsque la guerre éclate, il ne reste plus que huit chars en état de fonctionner. Après avoir été rayés du service actif, les autres ont été cannibalisés pour permettre aux « survivants » de continuer à fonctionner.
Le 51e BCC en juin 1940
Formé par le 511e RCC (Verdun) à GBC 511 (15 mai) à GBC (26 mai).
Chef de corps : chef de bataillon Fournet
1re Cie : capitaine Robert
2e Cie : capitaine Voillaume
Le 12 juin 1940, le 51e bataillon de chars stationné dans les bois au nord de Briey (Meurthe et Moselle) et comprenant huit chars reçoit l’ordre d’embarquer sur voie ferrée. Deux chars tombent en panne un à Mainville (n° 95) et un à Pienne (n° 92). Les six chars restants embarquent le 13 en gare de Landres en deux convois. Dans la nuit du 13 au 14, ceux-ci subissent un bombardement imprécis de la Regia Aeronautica Italia. Après moult péripéties montrant la désorganisation des forces françaises durant la bataille de France, ils durent être sabordés par leurs équipages le 15 juin 1940 à 19 heure alors que les trains qui les transportaient se trouvaient coincés dans une courbe derrière cinq autres trains eux-mêmes bloqués par un convoi de carburant en flammes à l’entrée du village de Meuse, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Neufchâteau alors qu’ils se dirigeaient vers la gare de Culmont-Chalindrey et Is-sur-Tille.
Un seul char dont la mise à feu des charges n’avait pas fonctionné (n°99) a été pris par le 10e Panzerregiment de la 8e Panzerdivision et envoyé en Allemagne dans la région de Berlin. Une rumeur, jamais confirmé à ce jour, dit qu’il a été récupéré par l’Armée rouge à la fin de la guerre et envoyé en URSS.
Le personnel parvient à poursuivre sa route vers le sud, la 1re Cie par Belfort et Pontarlier, la 2e Cie par Montbéliard et Morteau. Le 51e BCC termine la campagne dans la région de Clermont-Ferrand.
Propagande et anecdotes
Les quelques exercices effectués en cinq années de garnison à Verdun ont consisté surtout en exercice de franchissement de la Meuse canalisée par le pont de la « chaussée insubmersible », avec installation de fleximètres par les services du génie, puis le deuxième bras à gué par 1,40 mètre d’eau environ. Le double franchissement de la Meuse a été renouvelé une fois où le char s’est rendu par cet itinéraire à la citadelle pour une sorte de kermesse où il était loisible au public de le visiter, ce qui a fait dire au lieutenant Besançon : « voilà nos 2C transformés en pinces-fesses ».
Les chars sortent principalement pour des séances de tirs au canon et à la mitrailleuse qui se déroulent au champ de tir de la Wavrille sur les pentes nord du fort de Douaumont. Une piste fut spécialement construite pour relier la caserne au champ de tir afin de faciliter les déplacements. Malgré cela, chaque sortie était un véritable calvaire car les nombreuses pannes dues à la faible fiabilité de la motorisation guettaient chaque déplacement. De mémoire des équipages, pas un seul char ne réussit à effectuer l’aller et retour, soit trente kilomètres, sans tomber en panne. Le summum fut atteint avec un déplacement qui dura plus de 25 heures pour retourner à la caserne.
Le 14 juillet 1938, le commandant Victor Gauthier, familièrement surnommé « Totor » , dépité que seul le bataillon de char B participe au défilé parisien , décide de se venger et sans instruction du chef de corps , tout en usant de ses prérogatives de chef de cops par intérim, de faire défiler les 2C au champ-de Mars de Verdun. Sur les trois blindés prévus, un seul participa au défilé. En traversant la ville, à chaque virage, des plaques de pavés et de bitume furent arrachées ainsi que des bordures de trottoir. De nombreuses vitres furent aussi brisées par le fracas des échappements libres de l’engin. La municipalité présenta la note des réparations. L’histoire dit que « Totor », en récompense de ce « haut fait d’armes », fut gratifié de quelques jours d’arrêt.
Un des char 2C eut les honneurs du cinéma aux armées. Un film de propagande fut tourné, montrant le char éventrant sans difficulté les bâtiments d’une caserne désaffectée près de Verdun.
Qu’ont-ils apporté ?
D’un point de vue opérationnel, le bilan des FCM 2C est, au mieux, négligeable. Toutefois, techniquement parlant, il est considérable. En effet, outre l’exploit de faire fonctionner dans les années 1920 un mastodonte de 68 tonnes, les Français ont innové avec une motorisation hybride électrique/thermique (déjà utilisé sur les chars Saint-Chamond) un canon de 75 mm en tourelle et son architecture générale. Avec 20 ans d’avance, il présente les grandes caractéristiques des blindés qui vont dominer la Seconde Guerre mondiale et, en cela, il est le char qui a marqué l’histoire de la guerre mécanisée.
POITOU n° 10 - 90 51e BCL 1ère compagnie
Affecté au 511e RCC à Verdun le 9 juillet 1936. La numérotation des chars passe d'un à dix à une série débutant au 90.
Le n° 10 devient le 90.
Formation du 51e BCL (Bataillon de Chars Lourds) en juillet 1939.
Chef de char : Lieutenant Voillaume.
Réparation d'un moteur le 21 septembre.
16 octobre, préparation au déplacement vers la région de Thionville.
17 octobre, un moteur détérioré au cours de l'embarquement. Stationnement à Mance, Mancielles.
19 octobre, début des travaux de remplacement du moteur.
20 octobre, un moteur neuf est ramené de Verdun.
26 octobre, essai du char qui se rend à Mancieules pour y chercher sa queue de franchissement. Panne d'un des moteurs.
28 octobre, achèvement des réparations.
21 novembre, le char 90 est emmené à la gare pour démontage de la tourelle et changement de génératrice.
27 - 28 novembre, le char est ramené de la gare et rejoint son parc.
3 mai 1940, essai de franchissement de la mare d'Avril.
11 mai, en réparation au quartier Igest. Dans l'après-midi, le char rejoint son emplacement forêt de Moyeuvre, bois de Fontenelle.
13 juin 1940, embarquement en gare de Landres, départ vers 13h30.
Sabordé sur voie ferrée à Meuse le 15 juin 1940 à 19 heures.
Caractéristiques
Catégorie : char de rupture
Constructeurs : forges et Chantiers de la Méditerranée (FCM)
Exemplaires produits : 10
Equipage : 12
Morphologie
Poids : 68 t
Longueur : 10,27 m
Largeur : 3 m
Hauteur : 3,80 m
Protection
Blindage tourelle
Frontal : 35 mm
Arrière : 22 mm
Blindage châssis
Frontal : 45 mm
Latéral : 22 mm
Dessus : 13 mm
Plancher : 10 mm
Mobilité
Vitesse maximale
Sur route : 12 km :H
Tout-terrain : nc
Autonomie
Sur route : 140 km
Tout-terrain : nc
Pente : 70%
Obstacle vertical : 1,70m
Tranchée : 4,25 m
Gué : 1,40 m
Armement
Principal : 1 canon de 75 mm APX 1897
Munitions : 124 projectiles
Secondaire : 4 mitrailleuses Hotchkiss de 8 mm
Munitions : 9 504 projectiles
Motorisation
Moteur : 2 x 6 cylindres Maybach
Puissance : 2 X 250 cv
Capacité réservoir : 1 280 litres
Radio :
Sources : TNT Trucks&Tanks hors-série n°5 les engins de combat de l’Armée Française en 1940 mai/juin 2010
TNT Trucks&Tanks hors-série n°36 Les 20 chars qui ont marqué l’histoire novembre/ décembre 2020
Extrait des articles GBM n° 130 et 132 FCM 2C Le conquérant de l’inutile et la guerre manquée des 2C