Hardifort : "casemate STG"

La casemate "STG" du Peckel , commune d'Hardifort

Cette casemate appartenait au SECTEUR DEFENSIF devenu (20 janvier 1940) SECTEUR FORTIFIE DES FLANDRES.
Conception
Dans les projets initiaux (1931), la position aurait dû s’appuyer sur une ligne de dix casemates au Mont-Cassel qui sera repoussée en deuxième urgence. En lieu et place, la position  sera jalonnée par une série de casemates STG construites en 1939-40, essentiellement autour de Hondschoote et du Mont-Noir. Par ailleurs, la CEZT (Commission d'Etudes des Zones Fortifiées) entreprendra de construire durant les hostilités une seconde ligne de casemates STG sur la Bretelle de Cassel.
Le Secteur Fortifié des Flandres (S.F.F.) était rattaché à la VIIe Armée. 
Le P.C. (Poste de Commandement) était localisé à Hazebrouck, puis à Saint-Omer à compter du 11/10/1939. A la veille de l’offensive allemande, le S.F.F. comptait environ 11 000 hommes. 
Il comprenait notamment trois régiments régionaux de travailleurs (que l’on appelait « régiments territoriaux » en 1914) chargés de renforcer le système défensif qui prolongeait la Ligne Maginot jusqu’à la Mer du Nord.
Le 14e R.R.T. (lieutenant-colonel Mirou)
Le 15e R.R.T. (lieutenant-colonel Ployart)
Le 221e R.R.T. (lieutenant-colonel Chauvin).
Ces régiments étaient composés  de réservistes, vétérans de toutes armes et pères de trois ou quatre enfants. Mobilisés parmi les derniers, l’armée leur avait attribué des tenues dépareillées et un armement hétéroclite. A côté de leurs tâches militaires de construction de casemates bétonnées, de creusement de tranchées ou de fossés anti-chars, de pose de réseaux de barbelés, ces soldats aidaient accessoirement aux travaux agricoles. Ces régiments étaient renforcés par de l’artillerie : 10 et 11e batterie du I/161e RAP (12 x 75mm mle97), des éléments du génie, des transmissions. Pour compléter la main d’œuvre nécessaire aux divers travaux, on fit appel à des travailleurs espagnols : 9e, 15e, 59e, 117e et 118e compagnie et deux compagnies de travailleurs français : 252e et 254e compagnie. La casemate du Peckel est de type STG Blockhaus type A double : 1 cloche GFM non installée.  L’armement de façade comprend théoriquement 2 canons antichars de 25 mm, 2 mitrailleuses et 2 fusils mitrailleurs. La ferme de mes arrières grands parents se situait à proximité de la casemate.
Mon père, dans ses souvenirs de jeunesse, se rappelait de « ces  espagnols ». Réfugiés en France pour échapper au Franquisme, ils étaient « parqués » dans des baraquements. L’hiver 39/40 était très rigoureux. Pour se réchauffer, ils allaient souvent à la ferme des grands parents pour obtenir un bol de lait chaud. L’un deux, en échange, faisait des coupes de cheveux gratuites. Ce type de coupe avait pour surnom « la coupe au bol » dont la spécificité était les oreilles bien dégagées. En mai 1940, à l’approche des combats, mes arrières grands parents et mon père furent évacués sur Zermezelle, petit village situé à 10 km d’Hardifort. . Mon père ne fut pas témoin des combats décrits ci-dessous. 
Les combats  du 26 au 30 mai 1940
Abandonné par les troupes françaises, le blockhaus est occupé par les britanniques. C’est le 2nd Lt. R.W. Cresswell et le No.1 Platoon, A Company du 2nd Battalion  du  Glouchestershire Regiment qui assure la couverture du croissement du Peckel à la sortie d’Hardifort .Situé sur la RN .., cette route est l’un des axes d’évacuation du BEF en direction de Dunkerque. Le 26 mai, vers 18h00, les fantassins allemands commencent l’attaque du blockhaus tenu par les soldats britanniques. Dès le début de l’attaque, le peloton du 2nd Lt. R.W. Cresswell est rapidement isolé. Le contact est perdu avec le reste de l’unité. Après quatre jours de combat continu, la situation devient désespérée. La dotation en  munitions est pratiquement épuisée et les rations de combat commencent à manquer.
Pour les Allemands, ce point de résistance devient une épine dans leur progression vers Dunkerque. Un stratagème est monté afin de faire cesser cette résistance. Le 29 mai, un officier britannique, le Captain Lorraine qui est blessé, est sorti de force d’une ambulance de campagne. Il est emmené sous la menace d’un fusil à proximité du blockhaus.
 Les Allemands l’exhortent à inciter Cresweel et ses hommes à se rendre. Lorraine fait comprendre à Cresweel de rester silencieux et l’avertit discrètement que des soldats allemands sont postés en embuscade sur le toit du blockhaus près à capturer les britanniques dès leurs sorties. S’étant aperçu que le stratagème était éventé, le Captain Lorraine est ramené en arrière des lignes. Les combats reprennent. Certains soldats allemands positionnés sur le toit seront blessés accidentellement. Le 30 mai, la situation est désespérée, les Allemands sont maîtres du toit et le blockhaus est en feu. Cresweel préconise à ses hommes de décrocher de la position et de tenter de rejoindre Dunkerque. Isolé depuis 4 jours, cette évasion était impossible et malheureusement, tous les survivants seront capturés les uns après les autres  par les Allemands. Creswell et Lorraine, fait prisonnier, survivront au conflit. Tous deux seront décorés de la Military Cross pour leur action héroïque entre le 26 et le 30 mai.
Les photos :

Diverses photos actuelles du blockhaus. Aujourd’hui abandonné au milieu des champs, rien ne rappelle son rôle, ni le sacrifice des soldats britanniques lors du repli du BEF. Sa face meurtrie porte encore les traces des féroces combats de mai 1940.

Vue arienne de la zone des combats via Google Earth.

Insigne du Secteur Fortifié des Flandres.
 
Insigne du Glouchestershire Regiment

Photo prise en 1940 à proximité du blockhaus dont on distingue l’un des coins.  Sur celle-ci on y voit mon père et mon arrière grand père rejoignant la ferme. Le cheval sera ultérieurement réquisitionné par l’armée française. Aucune compensation ne fut jamais reversée à mon arrière grand-père.


Sources :
La ligne Maginot tome 3 Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel Histoire et collection
Mémoire de mon père : Raymond Beck
Documentation personnelle

 

 

 

Blockhaus et vue aérienne

Vue aérienne de la zone en 1946

 

Gloucester Regiment

Alphonse et Raymond Beck hiver 1939/1940